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La vie coopérative et l'organisation de la classe en petite section de maternelle

La vie coopérative et l'organisation de la classe en Petite Section

Muriel Quoniam (in Chantier maternelle n° 13)
 
Quel sens peut-on donner à ces termes alors que la plupart des enfants ne possèdent ni le langage, ni les codes de base de la vie sociale ? Les maître(sse)s de petite section ont souvent des difficultés à se situer au sein de la communauté des « enseignants » en général... et des enseignants Freinet en particulier, tellement leur métier est différent de celui exercé dans les autres niveaux. Voici une tentative d'affiner la spécificité de l'enseignant Freinet en Petite section...e t la construction de la vie coopérative dans cette classe.
 
En petite section, il s'agit de tenir compte de l'âge et des capacités des enfants avec en tête, les objectifs humanistes de respect de l'expression de l'individu, de sa parole, de sa socialisation et de la coopération et de sa démarche naturelle d'apprentissage...
Il est facile de parler de respect de la parole lorsque le langage oral n'est que bouillie !
Il est facile de parler de socialisation lorsque leur seul mode de communication est le geste... « pousse-toi de là que je m'y mette ! »
Il est vrai que chez les petits, nous sommes à la base de la construction non seulement de l'élève, mais surtout de l'enfant... c'est ce qu'il faut garder en tête.
 
LA PREMIERE MEDIATION QUE NOUS PROPOSONS EST CELLE DU LANGAGE
Accueillir, traduire, comprendre, interpréter la parole, le comportement d'un enfant par une mise en mots et la prendre en compte : ce n'est pas une mince affaire...et pourtant, c'est essentiel !
 
Il est essentiel de ne pas s'arrêter à la déclaration simple d'un enfant. Derrière les affirmations se cachent souvent une interrogation qu'il ne sait pas formuler. Par exemple, lors d'un conseil de cantine, les enfants ont déclaré : « On ne mange pas avec les doigts  ! ». Après discussion, il fallait entendre : «On a besoin de couteaux qui coupent pour ne pas manger avec les doigts ! »
Il est prudent d'aller au delà de la déclarative...
Nous avons souvent constaté la corrélation entre les petits aux comportements dits « agressifs » et leur difficulté à accéder au langage. C'est pourquoi nous passons les premières semaines à verbaliser les relations conflictuelles entre enfants :
  • Tu voulais ce jouet, tu lui as pris, tu aurais pu lui dire « prête-le moi »...
  • Tu voulais ce puzzle, mais regarde, il l'a déjà, prends celui qui est à côté, ou attends qu'il ait fini et tu pourras le faire après...
Si un enfant possède les codes et pas l'autre : cela ne fonctionne pas ! Et le simple contact physique est interprété comme agression. En récréation, il s'agit aussi de leur apprendre à jouer ensemble. Ce que nous prenons parfois pour de l'agressivité n'est souvent qu'incompréhension. (pour exemple le petit terrorisé venu voir l'adulte parce qu'un enfant lui courait après : renseignements pris, l'autre voulait simplement jouer au loup ! Une fois l'explication donnée : grand sourire et le gamin est rentré dans le jeu, ravi !)
 
DANS LE MËME TEMPS NOUS AJOUTONS A LA PAROLE UN REFERENT VISUEL QUI VA PERMETTRE L'ACCES A LA SYMBOLISATION :
règle écrite et lue, relue à chaque fois que nécessaire : « on ne fait pas mal »... photos ou symboles des jeux autorisés ou interdits (mises en scènes)
Au fur et à mesure que les enfants grandissent, il vont de mieux en mieux maitriser langage et socialisation et s'approprier les règles. On pourra alors envisager de différer le règlement des conflits. On créera un moment adapté à leur capacité d'écoute et d'attention (fréquence et durée).
 
APPRENDRE A DIFFERER : TOUT UN PROGRAMME !
La condition préalable est que l'enfant se sente sécurisé. L'apprentissage initial est le « chacun son tour » pas évident du tout. L'enfant doit le vivre, l'expérimenter, en constater la « permanence » pour être certain que viendra son tour, que, lui aussi a une place dans le groupe, au même titre que le copain. Pour cela, il est important que ce passage à tour de rôle soit effectif et vérifiable par l'enfant de manière libre et autonome. (qu'il ne soit pas aléatoire ou soumis systématiquement à la médiation de l'adulte) : inscription d'une liste de prénoms pour le tour de rôle quand il y a attente pour un jeu, une prise de parole, une responsabilité..., tableau des étiquettes : chacun invente son système !
La médiation par le langage et l'écrit permettent à l'enfant de savoir par exemple que s'il n'a pas le vélo à la récréation aujourd'hui, il l'aura demain ou un autre jour, mais aussi d'acquérir la certitude que son tour viendra même s'il n'est pas un « gros bras », ni le premier sorti dans la cour (cette acquisition peut être longue et douloureuse pour certains enfants supportant difficilement la frustration, mais le fonctionnement est efficace à long terme !)
 
Dans un même temps, l'enfant devra apprendre à s'inscrire dans un projet (individuel ou collectif), dans une activité de la classe, à passer de l'immédiat au « plus tard ».
Comme pour le reste, nous partons du désir d'agir de l'enfant le laissant participer librement aux ateliers de son choix, nous contentant d'en réguler le passage si besoin, pour que chacun y trouve son compte... peu à peu différents systèmes de pointage, d'inscription, de passage à tour de rôle etc, se mettront en place en cours d'année au fur et à mesure que le groupe se construit... et suivant les besoins du moment !
 
C'est de cet éventail de médiations individuelles ou collectives que va émerger la nécessité de créer des lieux de parole spécifiques : bilan, cahier de vie, cahier de liaison, présentations, « quoi de neuf », réunion... pas toujours les mêmes, pas toujours dans le même ordre d'une année à l'autre.
 
La construction de la vie coopérative se fait par l'assemblage de ces multiples pièces de puzzle qui peu à peu vont former la classe coopérative.